Les bâtiments
Comment concilier confort et faible impact dans les constructions ?
Pas de Burj Khalifa à Doubaille, mais deux bâtiments éco-conçus et presque entièrement bio-sourcés. Ici, l'idée est de tester différentes solutions pratiques et si possible reproductibles pas trop difficilement, concernant l'habitat, le végétal, l'alimentation, l'énergie, l'eau et la gestion des déchets. Commençons par les bâtiments envisagés.
A noter qu'un permis de construire est en cours de dépôt et d'instruction, le texte ci-dessous en est un résumé théorique en date de fin juillet 2025, il ne préjuge pas de l'acceptation du projet par les autorités compétentes.
La géonef : sous-marin amiral
Si vous vous intéressez à l'habitat écologique, vous avez sans doute passer le concept de //earthship// (ou "géonef" en français). Inventé par Michael Reynolds aux Etats-Unis dans les années 1970, déployé depuis dans plusieurs pays du monde, il s'agit d'une maison en général de plain-pied, semi-enterrée dans une pente ou sous un talus. Dans le concept initial, le mur nord est recouvert de terre, soutenu par une armature de pneus et recouvert d'enduit, il est à température constante toute l'année. Le mur sud est une large baie vitrée exposée au soleil direct, en fait une serre (double baie vitrée donnant sur les espaces de vie) abritant de nombreux végétaux pouvant aller jusqu'au bananier près de Périgueux, je l'ai vu de mes propres yeux.La "géonef", c'est donc la traduction française de earthship que je trouve à la fois plus prononçable et plus poétique. La géonef que je souhaite construire reprend ces principes mais les adapte à la situation locale, tout en évitant l'emploi de pneus*. J'avais pu visiter par deux fois une //earthship// à Biras, près de Périgueux - c'est une de ces maisons écologiques visitables et particulièrement intéressantes, merci Pauline pour ton accueil - et j'ai adoré aussi bien l'ambiance de vie que la manière de s'occuper de la maison et de son habitabilité. J'en avais fait un petit papier dans Tikographie, si ça vous tente.

Une géonef, c'est un lieu résilient thermiquement. En été comme en hiver, l'air frais apporté par le mur du fond (percé de puits provençaux) se mêle à l'air chaud qui s'accumule dans la serre. On peut imaginer un chauffage d'appoint, ou pas, mais c'est surtout la manipulation d'ouvertures dans le mur et le toit - manipulation à la main, donc - qui rend l'air respirable et la température toujours supportable, sans clim ni ventilation.
Une géonef, c'est aussi un bâtiment autonome. L'eau est stockée à l'arrière, l'énergie provient de panneaux sur le toit, les déchets sont phyto-épurés. Pour ma part, cela se conjugue à un travail en amont sur les besoins en énergie (et en eau), j'y reviendrai par la suite. Par exemple, le choix des toilettes sèches est sans doute un brin ambitieux mais tout à fait faisable et permet d'économiser déjà 25% de l'eau d'un foyer (et je ne suis même pas sûr qu'on ait le droit d'utiliser de l'eau non potable pour nos WC). J'avais aussi compris avec Grégoire Durrens, concepteur d'earthship basé sur le Causse Méjean, que l'autonomie est un très bon moyen de réduire sa consommation. Parce que l'eau ou l'électricité sont en quantité limitées, parce qu'on a des indicateurs sur ce qu'il reste dans les réservoirs, on se force à ne les utiliser qu'à bon escient, et à faire le tri dans les usages. Pauline, à Biras, m'a même démontré que l'on pouvait grandement optimiser sa consommation en suivant les cycles naturels, par exemple en faisant chauffer de l'eau en bouilloire quand une éclaircie apparaît dans le ciel, et en stockant cette eau dans de bons thermos pour le reste de la journée.

Je m'éloigne un peu de la géonef, désolé. Pour l'instant, pas grand-chose à dire car le chantier n'est prévu que courant 2026 pour ce bâtiment. Je vous propose dans le diaporama ci-dessous (sur navigateur Firefox) quelques vues 3D réalisées par l'architecte en charge du dossier. Restez à l'écoute de la newsletter et des podcasts pour en savoir plus. Il y aura, j'espère, une partie du chantier en participatif. Vous serez les bienvenu(e)s :)
La géonef de Doubaille est un projet bâtimentaire conçu et accompagné par Bruno Reyne et Oriane Galliot du cabinet Mines Architectes à Clermont. Merci à eux ! Nous aurons l'occasion de les retrouver un peu plus loin sur le chemin.
Le bungalow tech : une petite paillourte d'appoint
Avant la géonef, un premier bâtiment pourra voir le jour sur le site de Doubaille. Il s'agit d'un habitat léger (sans fondations permanentes telles qu'une dalle en béton), entièrement biosourcé, et de petite taille : une paillourte. A l'origine "yourte en paille", la paillourte de Doubaille sera une déclinaison de ce concept : 20 mètres carrés habitables (donc un petit studio d'appoint), posé sur des pieux de robinier enfoncés dans le sol, construite en ossature paille avec enduits terre et plancher/toit en structure bois. Voilà, en quelques mots, le projet.Contrairement à la géonef, la paillourte est un modèle d'habitat plus répandu en France. Les murs sont constitués de bottes de paille fixées entre elles (cordes, sangles) et recouvertes d'enduits terre ou chaux. Le sol est un plancher isolé en paille ainsi que le toit, lui-même végétalisé. Le tout est légèrement surélevé pour éviter les remontées capillaires, via les pieux de robinier qui lui assurent une stabilité.

L'intégralité des matériaux est ici biosourcés (bois, terre, paille) à part sans doute un ou deux éléments tels qu'une bâche "EPDM" pour isoler de la pluie, et des tissus géotextiles - je ne suis pas sûr qu'il y ait d'alternative non-chimique à ces éléments. Pour le reste, l'idée est de tester la qualité d'isolation et de "perspiration" (capacité à auto-réguler l'humidité du bâtiment) par la combinaison terre-paille : j'espère que la paillourte sera une bonne solution pour un petit habitat léger et dont la température sera facile à réguler, été comme hiver. Affaire à suivre.
L'autre point intéressant de la paillourte est qu'il s'agit, là aussi a priori (le chantier est pour bientôt, à l'heure où j'écris ces lignes) d'un bâtiment simple à monter, sans engins de levage ni de terrassement : beaucoup de paillourtes sont construites par des chantiers participatifs, à l'huile de coude, avec quelques échafaudages, des échelles, et de l'électro-portatif. Ni grue ou pelleteuse ne semblent absolument nécessaires. Certains éléments peuvent être pré-assemblés en atelier (notamment les structures bois du plancher, de la porte, et certaines huisseries), mais la plupart font l'objet d'un travail manuel direct : découpage et empilage des bottes de paille, préparation et application des enduits terre, assemblage des éléments bois et des huisseries, végétalisation du toit...
L'hypothèse est ici qu'une paillourte peut se faire uniquement avec des matériaux locaux (bois, terre, paille, quelques fenêtres - modulo un ou deux textiles chimiques dont les alternatives sont à étudier), biosourcés, j'espère plus facilement disponibles et accessibles que le béton ou le placoplâtre. A la mano, avec une bande d'amis ou de gentils bénévoles. Et 100% démontable, voire compostable.

Reste ce nom un peu bizarre, le "bungalow tech" : la paillourte est le type de bâtiment. J'espère y vivre temporairement à la façon d'une cabane de chantier adaptée au projet (plutôt qu'une vieille caravane achetée sur le Bon Coin). Et en faire un espace test de technologies low-tech, avant de les utiliser dans la future géonef. Les "low-tech" sont, en gros, l'inverse de la "high-tech" : concrètement, des appareils du quotidien (cuisine, salle de bain, chauffage ou refroidissement, etc.) qui sont conçus pour utiliser le moins d'énergie possible, ou de l'énergie musculaire, pour être facilement assemblable et réparable, pour se baser si possible sur du réemploi ou du détournement d'autres objets, etc. J'ai donc hâte de vous proposer ma première soupe faite au mixer actionné à partir d'un ancien vélo d'appartement : "Bon appétit, bien sûr".
De nouveau, quelques visuels proposés par Mines Architectes (sur navigateur Firefox) :
La paillourte sera construite en chantier participatif en septembre et octobre 2025 : vous pouvez venir nous aider sur les différentes phases du chantier, plein de journées sont prévues en semaine ou en week-end sur cette période. Inscriptions ici ! Et merci à Sofiane Batnini, formateur construction paille, d'encadrer et d'accompagner ce chantier.
Mais la vie dans ces maisons n'aura de sens que si le jardin est pensé en lien avec les objectifs du projet. Je vous en parle... (drumroll) ici !
*bien que ce soit une sorte de matériau local en Auvergne, mais on va pas chipoter.
Crédit images 3D : ©Mines architectes